Open science, transparence et évaluation. Perspectives et enjeux pour les chercheurs

Argumentaire

S’il n’existe pas de définition canonique de l’open science, elle peut toutefois être définie comme un mouvement d’ouverture appliqué à l’ensemble des facettes du processus de recherche. L’open data, l’open peer review ou encore l’open access constituent ainsi autant de modalités de production et de diffusion de la recherche au service de l’open science. Dan Gezelter, chercheur en chimie et en biochimie, considère quant à lui qu’il faut avant tout concevoir l’open science à travers le prisme de 4 enjeux fondamentaux pour les scientifiques :

Transparency in experimental methodology, observation, and collection of data.
Public availability and reusability of scientific data.
Public accessibility and transparency of scientific communication.
Using web-based tools to facilitate scientific collaboration

(Gezelter 2016)

Selon Danny Kingsley, l’open science devient un enjeu particulièrement sensible dans un contexte de crise de la transparence de l’activité scientifique : « The veracity of the academic record is increasingly being brought into question (Kingsley 2016) ». La pression exercée sur les chercheurs pour publier à un rythme soutenu des résultats novateurs dans des revues à haut facteur d’impact a en effet fortement porté atteinte au processus scientifique (Kingsley 2016; Smaldino et McElreath 2016; Sarewitz 2016). Les modalités d’évaluation des chercheurs continuent de mettre l’accent sur l’activité de publication dans les revues.
Toutefois, les initiatives en faveur d’une recherche plus ouverte et plus transparente se multiplient. Comment ces pratiques peuvent-elles s’inscrire dans l’écosystème de la publication ? Quels sont les enjeux et les prérequis pour une recherche plus transparente ? Quelles réponses les chercheurs des disciplines à forts enjeux économiques peuvent-ils notamment apporter ?
Autrement dit, l’open science et son objectif de transparence relèvent-ils de l’utopie ? Dans le contexte hyper compétitif de la recherche, quel équilibre trouver entre collaboration et partage d’une part, protection des connaissances et respect de la propriété intellectuelle d’autre part ?

Sources

Gezelter, Dan. 2016. « What, exactly, is Open Science? | The OpenScience Project ». Consulté le novembre 25. http://www.openscience.org/blog/?p=269.

Kingsley, Danny. 2016. « RewarReward, reproducibility and recognition in research – the case for going Open ». Munin, novembre 21. http://dx.doi.org/10.7557/5.4036.

Sarewitz, Daniel. 2016. « The pressure to publish pushes down quality ». Nature News 533 (7602): 147. doi:10.1038/533147a.Smaldino, Paul E., et Richard McElreath. 2016. « The Natural Selection of Bad Science ». arXiv:1605.09511 [physics, stat], mai. http://arxiv.org/abs/1605.09511.

Programme

8h45-9h : Accueil des participants
9h-9h15 : Allocution de bienvenue, Andreas Enge, délégué scientifique du centre Inria Bordeaux Sud-Ouest
9h15-10h : Is « Open Science » a solution or a threat?
Danny Kingsley, responsable du département « Scholarly Communication », Université de Cambridge
The way research is disseminated has changed immeasurably since the advent of the internet, yet we still reward researchers in the same way – for publication of novel results in high impact journals.
This talk will start with a brief discussion of some of the big challenges the research sector is facing as a result and describe how Open Science can address these. The talk will then focus on the difficulty of introducing and implementing Open Science solutions.
Open Science questions the status quo, and potentially threatens the established reputation of both institutions and individuals.

It is not an easy concept to implement. While the discipline of Scholarly Communication takes a ‘meta’ view of the whole research ecosystem, most players in that system are working within a narrow view. It is very rare for individuals to be able to see beyond their own experience.
Challenges for people trying to implement Open Science initiatives range from practical issues in implementing change, through to the people skills and negotiations required to convince individuals and institutions that this change is necessary.
10h-10h15 : échanges avec le public
10h15-10h35 : pause café

10h35-11h20 : ReScience. Mieux qu’une recherche reproductible? une recherche répliquée (Reproducible Science is good. Replicated Science is better)
Nicolas Rougier, chercheur à l’Inria et membre de l’équipe projet Mnemosyne
Les chercheurs en informatique disposent d’une grande variété d’outils de conception de prototypes, de rédaction, de tests, de validation, mais aussi de partage et de réplication des résultats. Toutefois, les sciences computationnelles (analyse de données ou modélisation) accusent un retard. Dans le meilleur des cas, les auteurs fournissent les sources de leurs travaux sous forme d’une archive compressée et sont convaincus que leur recherche est ainsi reproductible. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Les paramètres à prendre en compte pour une réplication en bonne et due forme sont si nombreux que la probabilité de travailler avec la même configuration que celle de votre collègue est quasi nulle. Dès lors, comment garantir une recherche vraiment reproductible? ReScience est une revue à comité de lecture dédiée aux sciences computationnelles qui encourage la réplication de travaux déjà publiés. ReScience promeut également de nouvelles implémentations en open source afin de s’assurer que les travaux originaux soient reproductibles. De fait, toute la chaîne éditoriale s’en trouve modifiée, comparativement à une revue classique : ReScience est hébergée sur GitHub où chaque nouvelle réplication d’une étude est mise à disposition, accompagnée de commentaires, d’explications et de tests. Chaque soumission est analysée publiquement et testée pour que tout chercheur puisse s’en servir de nouveau. Des réplications dans les domaines des neurosciences, de la biologie, de la physique et de l’écologie sont déjà disponibles.
11h20-11h35 : échanges avec le public

11h35-12h20 : Open access en sciences de la vie : prédateurs, grand public, nouveaux enjeux
Hervé Maisonneuve, médecin et consultant, rédacteur du blog « Rédaction médicale et scientifique »
En science de la vie, l’open access et l’ouverture des données ont apporté des bénéfices et des risques. Les bénéfices : je veux tout, tout de suite, n’importe où et gratuitement… c’est presque obtenu. Il semble que plus de 50 % de la littérature biomédicale soit en open access. En pratique, pour les étudiants, c’est presque 100 % par les réseaux sociaux et des sites hébergeant tous les articles.
Mais 100 % d’open access suppose des utilisations hors du système pour éviter de payer en ligne les accès aux articles. Les chercheurs ne comprennent pas les nouveaux modèles économiques avec les APCs (article processing charge). Ils ne voient pas encore l’intérêt des archives ouvertes comme HAL, ou des registres d’universités.
L’open access n’a pas diminué la course aux revues à facteur d’impact élevé. La fausse innovation est publiée au détriment des réplications. Les Altmetrics pourraient se substituer au facteur d’impact, sans changer la très mauvaise qualité de le littérature. Les embellissements de données laissent à penser qu’environ 50 % des articles ne représentent pas la réalité des expérimentations. Des fraudes en médecine ont eu pour conséquences des morts suite à des soins, ou à l’absence de soins. Les risques existent avec le développement des revues dites prédatrices. Le volume annuel d’articles dits « prédateurs » est proche de 50 % du volume des articles indexés chaque année dans Medline.
La transparence et le partage des données ont d’autres conséquences : la consultation des articles en open access en médecine semble être le fait du grand public (75 % des internautes) plutôt que des chercheurs (25 %). L’émergence de chercheurs dits parasites, qui analysent de manière tendancieuse les données accessibles, anime aussi des débats contre l’ouverture des données.
12h20-12h35 : échanges avec le public

12h35-14h : buffet sur place offert

14h-14h30 : Valuation des connaissances et politiques d’open access en chimie
Marianne Noël, docteur en chimie et doctorante en sociologie au Lisis (Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés)
La chimie demeure une discipline moins ouverte à la diffusion en open access que la physique ou la biologie. Le modèle le plus répandu actuellement est celui de l’APC (article processing charge) ou modèle « auteur-payeur », qui consiste à faire financer le coût de la diffusion en open access par l’institution du chercheur. La présentation de M. Noël va décrire la mise en place d’une initiative pilote en faveur de l’open access (à base de « vouchers »), lancée par une société savante majeure. Il s’agira d’analyser les pratiques de valuation comme un ensemble de pratiques sociales sur des sites distribués. La perspective historique permettra de mettre en lumière les évolutions du statut de la revue. Le rôle des professionnels sera également évoqué.

14h30-14h45 : échanges avec le public
14h45-15h15 : La propriété intellectuelle : alliée ou obstacle à l’open science ?
Hélène Skrzypniak, enseignante-chercheuse en droit de la propriété intellectuelle à l’Irdap (Institut de Recherche en Droit des Affaires et du Patrimoine)
La propriété intellectuelle est souvent perçue par le chercheur comme un obstacle à l’open science : elle impose des règles, pose des interdits, crée des exclusivités qui sont autant de freins à la libre diffusion et au partage des connaissances. Ainsi envisagée, propriété intellectuelle et open science apparaissent profondément antagonistes. Une telle conception est toutefois, si ce n’est erronée, au moins excessive. Elle fait fi des soubassements du droit de la propriété intellectuelle : assurer la diffusion de l’information et du savoir afin de faire progresser la connaissance et l’innovation. Loin d’être antagonistes, propriété intellectuelle et open science partagent donc des objectifs communs. De nombreuses règles du droit de la propriété intellectuelle garantissent ainsi la libre diffusion de la connaissance. D’autres protègent les droits du chercheur souhaitant partager ses données. Enfin, il faut souligner l’évolution récente du droit de la propriété intellectuelle qui a su s’adapter aux nouvelles pratiques des chercheurs comme en témoignent les nouvelles dispositions de la loi Lemaire. Aussi, s’il existe encore certains freins à la libre diffusion des données de la recherche, ces derniers s’amenuisent.

15h15-15h30 : échanges avec le public
15h30-15h50 : pause
15h50-16h30 : table ronde animée par Hervé Maisonneuve et conclusion de la journée

Contacts

Conception du programme de la journée, pilotage : Sabrina Granger (Urfist)

Comité d’organisation de la journée : Martine Courbin-Coulaud (Inria), Isabelle Scarpat-Bouvet (Urfist)


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